Réussir ses semis – Zoom sur la germination

« Ça fait trois semaines que j’ai semé mes choux-fleurs… tu crois qu’il vont encore germer ? »

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L’importance d’une bonne germination

Quand on veut cultiver ses propres légumes, on est rapidement tentés de partir de la graine plutôt que d’acheter des plants déjà semés. Moins cher, plus grande satisfaction d’avoir accompli le processus de A à Z, plus grand choix de variétés… Les motivations sont nombreuses ! Pour autant, ce n’est pas toujours facile d’y arriver, et les résultats peuvent souvent être décevants.

Une étape essentielle à réussir lorsqu’on fait ses propres semis, c’est celle de la germination (le passage de la graine à la jeune plantule). Et c’est sur cette étape que nous vous proposons de nous concentrer dans cet article ! Avec notamment un aperçu sur l’organisation concrète que nous avons mise en place chez nous pour réussir nos semis.

Les facteurs essentiels à la germination

Une graine est capable de rester en dormance pendant un temps plus ou moins long. Pour sortir de cette dormance et commencer à se développer en une petite plante, elle a besoin que deux conditions soient réunies :

  • Humidité suffisante
  • Chaleur suffisante

On peut rajouter un troisième paramètre important, qui aide certaines graines à germer, et qui est surtout essentiel au bon développement de la plantule qui vient d’émerger de sa graine :

  • Luminosité suffisante

Selon l’espèce, les besoins spécifiques peuvent varier (certaines ont besoin de plus de chaleur que d’autres pour germer…). Passons donc en revue ces trois paramètres.

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Peinture de Béatrice Vastrade

L’irrigation

On ne vous apprend rien en vous disant qu’une graine a besoin d’eau pour germer ! Généralement, jusque là, ça va. Et c’est aussi le critère le plus facile à respecter des trois.

Toutefois, il pose parfois question quant à la juste quantité d’arrosage nécessaire. Trop peu, et la jeune plantule s’assèche. Trop et c’est le risque de pourriture ou de la redoutable « fonte des semis » (une maladie fongique létale qui s’attaque aux jeunes plantules en germination lorsque les conditions sont trop humides). Alors, comment on gère ?!

A quelle fréquence ?

En pratique, une bonne indication est d’arroser lorsque la terre commence à sécher – ce que vous pouvez constater par un changement de couleur de la terre en surface. De notre côté, cela revient à arroser en moyenne une fois par jour.

En quelle quantité ?

Avec modération, de façon à vraiment arroser la terre, mais sans la détremper. Pensez à une éponge mouillée mais essorée : elle est imbibée, mais elle n’est pas saturée au point de baigner dans son eau.

Et j’arrose avec quoi ?

On vous déconseille l’usage du vaporisateur souvent mentionné pour l’arrosage des semis : le débit est très faible, vous n’humidifiez généralement que très superficiellement la terre, et pour fournir une quantité d’eau adéquate vous devez pomper jusqu’à vous faire une tendinite !

Mais un arrosoir n’est pas forcément très pratique non plus à utiliser à l’intérieur, surtout qu’il en faut un avec une pomme pour arroser en pluie fine. On prend vite le risque d’en mettre partout…

Alors on vous donne ici notre petit tuyau qui fonctionne très bien : récupérez une bouteille de lait en plastique (ou équivalent) et percez plein de petits trous dans le capuchon (avec un clou et un marteau, éventuellement en préchauffant le clou). Vous obtenez un petit « arrosoir » maison très pratique et précis ! Vous observerez qu’il ne coule pas ou très peu quand vous le retournez, ce qui vous permet de contrôler le débit vous-même par petites pressions sur la bouteille.

Pour les semis dont la pépinière est placée à l’extérieur, nous arrosons simplement à l’arrosoir, avec un pommeau pour arroser en pluie.

Un « arrosoir » récup’ avec une bouteille de lait percée

Chez nous, lorsque la pépinière est à l’intérieur, nous arrosons deux à trois plaques à semis (celles visibles sur les photos) avec une bouteille percée de 1 litre, tous les jours.
Lorsque la pépinière est à l’extérieur, nous arrosons généreusement en pluie avec l’arrosoir (plusieurs passages rapides jusqu’à ce que la terre sature), tous les jours.

La chaleur

La condition suivante pour qu’une graine germe est d’atteindre une température minimum, dont la valeur dépend d’une espèce potagère à l’autre. Pour faire simple, on peut diviser les légumes en deux groupes selon leurs besoins en chaleur : les légumes « de chez nous » et les légumes « du soleil ».

Légumes « de chez nous »

On peut inclure dans cette catégorie la grande majorité des légumes qu’on consomme couramment (carottes, choux, salades…), à l’exception des quelques légumes « du soleil » listés ci-dessous.

Pour les légumes « de chez nous », les choses sont plutôt simples : ils sont capables de germer à température extérieure, à condition d’être semés à la bonne période (information que l’on peut trouver sur le sachet de graines, sur internet ou dans un livre de jardinage).

On peut toutefois accélérer le processus en les faisant germer à l’intérieur (la plupart des graines germeront plus vite à une température plus élevée), avant de les sortir une fois que toutes les graines ont germé. Cette solution permet généralement un meilleur taux de réussite et une levée des semis plus homogène.
On peut aussi augmenter un peu la température à l’extérieur en plaçant les semis sous abri (serre, tunnel en plastique…), que ce soit dès le semis ou par après, pour la croissance des plantules ayant germé à l’intérieur.

Pour résumer : ces légumes se contenteront des conditions extérieures pour germer, mais le fait de les placer dans un environnement contrôlé (non soumis aux variations de températures extérieures, à la pluie, au vent…) et chaud permet d’assurer un germination plus rapide et homogène.

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Petite serre pour accueillir les semis extérieurs si les conditions météo sont trop mauvaise (fort gel, orage, grêle…) ou pour accélérer la germination et le développement des plantules
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Tunnel nantais fabriqués avec des bâches de récup’. Même rôle que la serre. Attention à la surchauffe en plein soleil, il faudra alors l’aérer !
Légumes « du soleil »

Par « légumes du soleil », on entend tous ces légumes qu’on associe généralement au sud de la France et au soleil : tomates, poivrons, aubergines (autrement dit la famille des « Solanacées »), et courgette, concombre, melon, mais aussi courges et potirons… (soit la famille des « Cucurbitacées »). A cette liste, on peut rajouter (entre autres) : basilic, céleri, maïs et tétragone.
Vous vous en doutez, ces légumes ont besoin de plus de chaleur que les autres. Certains ont même besoin d’être cultivés entièrement sous serre en Belgique pour donner des résultats satisfaisants.

Pour eux donc, pas le choix : il faut les faire germer au chaud. Concrètement, ça veut dire au minimum à l’intérieur de votre maison, au soleil, voire près d’une source de chaleur (radiateur). On peut éventuellement poser une plaque transparente par-dessus le plateau de semis pour créer un petit effet de serre (en prenant garde à la retirer au moins une fois par jour pour aérer les semis et donc réduire le risque d’excès d’humidité, et à vérifier que ça ne surchauffe pas si c’est en plein soleil – il faut généralement éviter de dépasser 35°C).

Pour les plus frileux d’entre eux…

Certains légumes de ce groupe sont particulièrement difficiles à faire germer, car ils demandent une température plus élevée que les autres (au moins 21 °C mais idéalement 24-28°C), et supérieure à celle de nos logements (on pense surtout aux poivrons, piments et aubergines). Pour ceux-là, trois options :

  • Soit on achète les plants déjà germés dans le commerce. C’est l’option la plus simple, surtout si on n’en cultive qu’en très petite quantité.
  • Soit on se crée une petite installation chauffante maison. C’est l’option pour laquelle nous avons opté chez nous, car nous chauffons notre maison à une température assez basse. C’est un choix qui peut sembler contestable dans une approche permaculturelle/éco-responsable/durable, et c’est à chacun de peser le pour et le contre en conscience. Dans notre cas, après mûre réflexion, nous avons conclu qu’il valait mieux chauffer une très petite surface à quelques degrés supplémentaires que tout un logement ; que vu les quantités de plants que nous semons pour notre activité professionnelle, cela se justifiait ; et que toute proportions considérées, étant donné que nous n’utilisons ce dispositif chauffant que pour quelques jours par plaque à semis (et qu’il ne chauffe pas en continu), soit une poignée de semaines par an, c’est une consommation énergétique qui reste très raisonnable comparée à beaucoup d’autres postes ménagers*.
  • Soit on chauffe une serre avec la technique de la couche chaude (création d’une grosse couche de fumier frais dont la décomposition dégage beaucoup de chaleur). C’est la solution la plus technique et la plus difficile, mais la plus écologique.
Notre installation chauffante en pratique :

Nous l’avons bricolée tout en récup’ et seconde main.
– Pour chauffer, nous avons récupéré un tapis chauffant et un thermostat de terrarium (équipé d’une sonde, qu’on plante dans le terreau), de dimensions comparables à nos plaques à semis.
– Nous avons placé ce tapis dans une caisse en plastique (suffisamment grande pour accueillir la caisse contenant notre plaque à semis). En-dessous du tapis, un fond isolant fait d’une plaque de liège recouverte de papier aluminium. Deux lattes de part et d’autre du tapis chauffant permettent de surélever la cagette contenant la plaque à semis, pour éviter de la poser directement au contact du tapis chauffant.
– On place la cagette contenant la plaque à semis dans cette grande caisse, et on coince du papier bulle partout dans l’intervalle entre les deux caisses, pour éviter que l’air chaud ne s’échappe par les côtés et ne soit gaspillé.
– Par-dessus l’ensemble, on pose une plaque en plexiglas transparente pour conserver l’air chaud dans le dispositif. En plus, elle contribue à augmenter la chaleur de façon naturelle par un mini-effet de serre supplémentaire.

* le tapis chauffant fait 90W et fonctionne environ 30min par tranche de 2h, ce qui revient à faire fonctionner un appareil de 22W en continu (soit 3 ampoules led) pendant quelques jours.

Pour connaître les températures idéales de germination de chaque légume et leurs dates de semis, pas besoin de retenir les informations par cœur. Il existe un tableau très exhaustif édité par Cycle en Terre (semencier bio et belge que nous vous recommandons chaudement !), qui rassemble toutes les conditions idéales pour le semis de chaque légume.

Chez nous, nous faisons germer les légumes « de chez nous » à l’intérieur pour assurer une bonne germination au chaud. Pour optimiser l’espace, nous superposons les caisses de semis (il n’y a généralement pas besoin de lumière pour faire germer les graines). Nous surveillons la germination, et dès que les plantules pointent le bout de leur nez, les caisses sont sorties et exposées à la lumière (dehors ou sous serre selon la vitesse de croissance voulue, les conditions météo…).
Pour les légumes « du soleil », les caisses sont directement placées sur un appui de fenêtre bien exposé avec une plaque transparente en plexiglas posée dessus pour faire effet de serre et retenir l’humidité. La plaque est retirée au moins une fois par jour pour aérer les semis, et aussi en cas de grand soleil pour éviter la surchauffe. Elle est finalement retirée lorsque les graines ont germé.
Pour les aubergines et les poivrons/piments, nous faisons germer les graines dans notre dispositif chauffant, puis une fois qu’elles ont germé, nous plaçons les caisses sur un appui de fenêtre bien exposé. Si jamais la maison est trop froide (moins de 18°C), nous traitons les autres légumes « du soleil » de la même manière.

Nos caisses de semis, placées sur un appui de fenêtre orienté sud et munies de réflecteurs pour augmenter la luminosité.

Chez nous, après leur germination à l’intérieur, les semis de légumes « de chez nous » sont placés à l’extérieur (au jardin ou sous serre), à la lumière directe du soleil.
Tandis que les légumes « du soleil » sont placés à la lumière d’une fenêtre exposée Sud avec ajout de réflecteurs fabriqués maison.

La lumière

Enfin, le dernier besoin crucial d’une jeune plante est la luminosité. Certaines, plutôt rares, auront besoin de lumière pour germer (voir fin du chapitre), mais la plupart d’entre elles peuvent germer dans l’obscurité. En revanche, toutes auront ensuite très rapidement besoin de lumière pour se développer. Ainsi, avoir une luminosité suffisante immédiatement après la germination est essentiel pour réussir ses semis et obtenir des jeunes plants vigoureux. Et c’est souvent là que le bât blesse.

Pour les semis à l’extérieur, ce n’est pas une préoccupation majeure. La lumière naturelle du soleil sera suffisante à condition de bien les exposer et de les semer à la bonne période.

Pour les plantes semées à l’intérieur :

  • Si elles peuvent grandir à l’extérieur une fois germées (légumes « de chez nous »), on les sort dès que possible.
  • Si elles sont sensibles au froid et qu’elles doivent grandir à l’intérieur, elles vont impérativement devoir pousser devant une fenêtre très bien exposée (plein sud idéalement). Quelques astuces supplémentaires peuvent aider :
    • On peut bricoler un réflecteur de lumière très simplement, en emballant un carton dans du papier aluminium (voir photo ci-contre). L’effet est spectaculaire, la luminosité est vraiment plus intense et les plantules poussent droit : ça vaut le coup de le faire !
    • Si la luminosité est légèrement insuffisante, les plantules vont se pencher vers la source de lumière. On peut palier à ce problème en retournant régulièrement la plaque à 180°, pour les inciter à se redresser.
    • Si on n’a pas de fenêtre parfaitement exposée, on peut éventuellement déplacer les semis d’une fenêtre à l’autre en cours de journée, ou les sortir au soleil la journée s’il ne fait pas trop froid et les rentrer la nuit.
    • En dernier recours, on peut aussi s’aider d’une lumière artificielle adaptée aux besoins des plantes (une lumière classique ne diffuse pas les bonnes longueur d’onde, et avec trop peu d’intensité). Le même raisonnement que pour la plaque chauffante peut être mené ici, en pesant le pour et le contre…


Mes plantes deviennent toutes fines et très hautes, avant de s’écrouler sous leur propre poids !
On dit qu’elles « s’étiolent », ou qu’elles « filent ». C’est le signe d’un manque de lumière (parfois amplifié par trop de chaleur). La plante met toute son énergie à rejoindre davantage de lumière le plus vite possible. Si elle n’y arrive pas, ça donne ce profil malingre qui, malheureusement, est irrécupérable s’il est trop avancé.

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Plantule étiolée par manque de lumière.

Pour finir, et bien que ce soit une condition plutôt rare, certaines graines ont besoin de lumière pour germer (en plus d’avoir besoin de lumière après la germination, comme les autres). Dans ce cas, il suffit de ne pas les recouvrir de terre (ou vraiment très légèrement), et de ne pas les laisser germer à l’obscurité (ce qu’on peut se permettre avec les autres plantes). Les légumes en questions sont à nouveau renseignés dans le tableau de Cycle-En-Terre, et incluent notamment la tomate et le céleri.

Malgré tout, ça ne germe pas, ou pas bien ?

Si vous avez du mal à réussir vos propres semis, et que vous avez vérifié que les trois critères ci-dessus sont soigneusement respectés, il reste quelques pistes à explorer :

  • Pas de panique, vous n’avez peut-être pas laissé suffisamment de temps à vos graines pour germer. Le céleri peut prendre jusqu’à trois semaines pour émerger ! Le tableau de Cycle-En-Terre vous donne des durées de germination indicatives.
  • Sinon, le problème peut venir de la qualité de vos graines. Les graines sont un matériau vivant, avec une « durée de vie » limitée (variable selon l’espèce). Il est essentiel de les conserver correctement, c’est-à-dire : à l’ombre, au sec, à une température fraîche et stable. Surveillez leur date de péremption, généralement indiquée sur le paquet. Un paquet périmé n’est pas nécessairement à jeter, mais si les graines germent mal, vous saurez pourquoi ! Si vous avez un doute, vous pouvez toujours faire un test de germination : semez une petite quantité de graines dans des conditions parfaites (éventuellement sur un bout de coton humidifié). En fonction du résultat de germination, vous aurez une indication sur la qualité de vos graines.
  • Certaines graines ont besoin, pour germer de façon optimale, de subir des étapes préalables particulières : scarification (cela consiste à fragiliser l’enveloppe de la graine, avec du papier de verre par exemple), congélation ou coup de froid : là encore, on rentre dans des détails « d’expert », mais qui peuvent faire une différence pour certaines espèces difficiles. Le tableau de Cycle-En-Terre renseigne les espèces qui bénéficient d’un « coup de froid » avant leur germination.
  • Une pré-humidification (pré-trempage) des graines n’est normalement pas une étape indispensable, mais elle peut améliorer les résultats du semis, en accélérant et en optimisant la germination. Toutefois, on ne la pratique généralement pas chez nous car cela rend plus difficile la manipulation des graines, et oblige à prévoir à l’avance la quantité exacte de graines à semer (l’excédent ne pourra plus être conservé puisque le processus de germination aura été enclenché par l’humidité).

Mes plantules meurent alors que tout semblait bien aller !
Si vos plantules périclitent après leur germination, cela peut être dû à la fonte des semis.
Le symptôme principal : la base de la tige rétrécit (voir photo ci-contre), se nécrose et finalement la pousse tombe et meurt.
Le coupable : une maladie fongique qui se développe en conditions humides, ou sur un terreau contaminé.
La solution : recommencer le semis en changeant de contenant (ou en le lavant bien), avec un nouveau terreau, en arrosant moins, et en aérant plus régulièrement si vous utilisez une mini-serre (plaque transparente sur vos semis ou autre).

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Plantule atteinte par la fonte des semis. La base de la tige se nécrose.

Avec tout ça, nous espérons que vous êtes parés pour ne plus jamais être démunis face à un semis qui ne germe pas !